LABIT Henri, Charles, Emile

alias Leroy, Alleaume, Laure

Henry Labit naît le 30 septembre 1920 à Mézen, Lot-et-Garonne.
Fils d’un représentant de commerce dans le Lot-et-Garonne, Henri fait ses études secondaires au Lycée Saint-Jacques à Bordeaux passe son Bac en 1937, puis prépare le concours de l’École de l’air.

Premier pas dans l’Armée

Engagé volontaire le 29 septembre 1939 pour la durée de la guerre au titre de l’École de l’Air, il est affecté au Peloton spécial d’E.O.R de la BA 107 à Versailles.
Sorti deuxième de sa promotion, Henri est nommé aspirant de réserve le 21 janvier 1940.
Il continue sa formation dans les centres d’instruction de bombardement de Châteauroux, Tours puis Toulouse.

Rejoindre de Gaulle

Le 19 juin 1940, il informe son père de sa prise de décision de rejoindre le général de Gaulle à Londres. Après une première tentative par les airs à bord d’un chasseur-bombardier, c’est par les Pyrénées que Henri traverse l’Espagne pour se diriger vers le Portugal avec deux camarades d’évasion Forat et Ibos. Munis de passeports polonais, ils obtiendront des visas espagnols en règle.

L’Infanterie de l’Air

Le 5 septembre, il est en Angleterre. Le 11, il est l’un des premiers à signer un engagement volontaire dans les Forces aériennes françaises libres, dont il rejoint le dépôt le 5 décembre.

Il est affecté à l’infanterie de l’Air en janvier 1941, à la 1 compagnie parachutiste des Forces françaises libres à Old Dean Camp, près de Camberley (Surrey), commandée par le capitaine Georges Bergé, secondé par le capitaine René-Georges Weill, son futur successeur.
L’Action en est encore à ses prémices et repose sur un petit noyau d’hommes.
C’est de cette époque que date la première rencontre d’Henri Labit et du sergent Jean Forman. Ce dernier participe aux deux premières mission Action : Savannah, pour laquelle il est parachuté au nord-est de Vannes (Morbihan) dans la nuit du 14 au 15 mars 1941 avec le capitaine Bergé, le sous-lieutenant Petit Laurent, le sergent Joël Le Taco et le caporal Renault ; puis la mission Joséphine B, pour laquelle il est parachuté blind au sud-est de Mimizan, dans les Landes, en compagnie d’André Varnier et du radio Raymond Cabard. Forman retrouve alors Joël Le Tac, resté en France, et les deux hommes regagneront Londres fin août 1941, via Barcelone et Lisbonne.

Henri Labit participe au troisième stage de parachutisme réalisé au profit des Français sous le commandement du capitaine René-Georges Weill et reçoit le brevet des parachutistes des Forces aériennes françaises libres n° 435, le 10 avril 1941. Il est le plus jeune des cinq officiers de l’Armée de l’Air volontaires pour servir dans les parachutistes, mais il est distingué pour ses qualités morales, intellectuelles et physiques.

Entrée au BCRA

Il est alors choisi pour être affecté au Service de renseignement de la France libre, futur Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), en vue d’une première mission en France.

Formation au BCRA
De juillet 1941 jusqu’à sa mort, en mai 1942, Henri Labit accomplit trois missions au profit du SR de la France libre, dont deux qu’il prépare depuis Londres avec une formation de préparation opérationnelle spécifique, dispensée par le SOE. Pour sa première mission (Torture), il effectue une formation au STS 22a, le 19 février 1941 ; malgré ses problèmes de cartilage au genou droit, il fait la preuve de ses capacités de tireur et ses bonnes dispositions générales :
« Caractère : très intelligent et impliqué.
Entraînement au maniement des armes : pistolet, bien ;
Thompson, bien ; fusil, bon ; Bren, correct ; grenade, correct ».

En février 1942, lors de la préparation de sa mission Bass, l’évaluation des instructeurs du STS 31 est encore plus nettement élogieuse :
« A un esprit rapide et clair. Très sûr de lui et fiable, mais à tendance à ne pas se préoccuper suffisamment des détails. Il a une personnalité réservée et d’une certaine manière timide au premier abord, mais c’est fondamentalement quelqu’un de sympathique. Il a fait un très bon stage ici malgré des conditions quelque peu contraignantes, et il n’a fait preuve d’aucune vanité concernant son expérience ».

Pour cette mission, il suit également des formations complémentaires, avec un court stage de cambriolage à Dorset Square le 17 mars 1942, et une séance de remise en condition opérationnelle (refresher course) à Ringway, du 19 au 20 mars 1942.
« A déjà fait six sauts il y a quelque temps et il n’est revenu que pour retrouver les sensations. Il a fait un saut, de nuit, a très bien atterri et montré aucune nervosité. Était parfaitement en confiance après un saut ».

Missions au BCRA

• Opération Torture, juillet-septembre 1941 À l’été 1941, Henri Labit est volontaire pour l’opération Torture, dans le Calvados, sorte de prototype des missions d’Action. Le colonel Passy signe l’ordre de mise en route de la mission le 5 juillet 1941. Henri Labit est parachuté par un Whitley du RAF 1419 Squadron, dans la nuit du 5 au 6 juillet 1941, aux environs de Mutrécy, dans la région de Caen, sous le pseudo de Tab. Il est accompagné d’un saboteur, le caporal Jean-Louis Cartigny, alias Geneste. Les deux hommes sont parachutés en blind, c’est-à-dire sans comité de réception ou appui au sol d’équipes de résistants locaux. Ils doivent cependant pouvoir bénéficier de matériel laissé à Vannes par le capitaine Bergé en se mettant en relation avec une organisation de résistance et de sabotage, dont le chef est domicilié près de de Caen. Il s’agit de M. Frémont, ancien combattant de la Grande Guerre et important agriculteur de la région de Caen, dont l’organisation a été signalée au SR gaulliste par un capitaine aviateur rallié aux FFL.
La mission de Labit et de Cartigny est d’établir la liaison avec Londres afin de rendre compte par radio du potentiel du groupe Frémont, qu’ils doivent aider à organiser en « petites cellules de cinq à dix membres maximum ne connaissant que leur chef, lui-même ne connaissant que l’échelon supérieur, etc ». Les instructions de Labit sont de constituer quatre branches, par activité : propagande (essentiellement pour fournir des informations à la BBC), renseignement, sabotage et « résistance et action ». Le réseau ainsi constitué doit permettre de recueillir du renseignement sur les effectifs et les mouvements ennemis, de repérer des terrains clandestins adaptés au largage de matériel et d’agents, mais aussi de préparer des sabotages d’avions à l’aéroport de Caen-Carpiquet, exclusivement sur ordre de Londres, grâce à une formation élémentaire prodiguée par Cartigny.

Dès leur arrivée en France, la mission de Tab et de Geneste ne se déroule pas bien. Ils ne parviennent pas à enterrer leurs parachutes, le sol étant trop dur ; ils doivent faire 45 km à pied, et les adresses dont ils disposent ne sont pas très fiables. Frémont, interrogé par les Allemands qui ont trouvé les parachutes, les dénonce. Henri Labit réussit à s’échapper mais Cartigny est arrêté ; condamné à mort en même temps que Frémont, il sera fusillé en février 1942. Labit enterre sa radio, dont les indicatifs, les schédules et le code sont « brûlés », mais qui peut toujours « être retrouvé[e] et remis(e] en service ».
Il parvient à passer en zone libre, où il dispose d’une adresse de secours à Pau.
Il entre en contact avec Fourcaud, auprès de qui il est identifié par Jean Forman, qui mène des opérations de prospection en France depuis le succès de la mission Joséphine B en juin 1941, en Gironde. Londres confie à Labit l’organisation d’un pick-up Lysander permettant de lui envoyer un nouvel opérateur avec un poste et de ramener Forman en Angleterre. Mais l’opération échoue, Forman ne se trouvant pas sur le terrain le seul soir où l’avion peut y aller.

• À la tête du réseau Action R4, septembre-décembre 1941
Après avoir adressé au SR de Londres un rapport rendant compte de l’échec de la mission Torture, Labit s’installe à Toulouse, où il reçoit de nouvelles instructions le 10 septembre 1941 pour monter le réseau Action R4, capable d’activités de renseignement, mais aussi de propagande et de sabotage (mission Fabulous). Les principes d’organisation en quatre branches qu’il applique sont identiques à ceux édictés précédemment pour la mission Torture. Le premier contact radio est établi avec Londres le 30 septembre 1941, et le SR gaulliste observe avec satisfaction que Labit commence à poser les bases de plusieurs organisations analogues. Durant les quelques mois de ce premier séjour en France, ses activités sont intenses : on le retrouve à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, à Montpellier, à Paris. Il organise des réseaux de sabotage et de réception, remet en place un réseau de renseignement qui avait cessé de fonctionner.
À Montpellier, en novembre 1941, Forman, recherché par toutes les polices, envisage de laisser Labit avec un radio pour assurer les liaisons avec Liberté. Mais, apprenant que Labit, alias Leroy, est également recherché, les deux hommes passent ensemble en zone occupée. Forman propose alors à Londres que Labit est lui soient chargés de la réorganisation des mouvements de la ZO.
« Leroy [Labit] et moi », écrit-il, « ayant acquis des connaissances que seule l’expérience apporte, sommes, à mon avis, tout à fait désignés pour faire ce travail de préparation en zone occupée. Nous avons les éléments en mains, ce qui éviterait donc une transmission. D’autre part, nous sommes, et surtout moi, recherchés comme agents FFL. Un changement s’imposerait donc ».

Londres tranche en effet pour le changement, mais pas celui attendu par Forman. Raymond Fassin, qui devait partir pour une mission en région parisienne, est envoyé remplacer Forman, qui reçoit l’ordre de rentrer en Angleterre, avec Labit.

• Passage à Londres, janvier-avril 1942
Désigné pour être affecté à l’état-major particulier du général de Gaulle depuis le 1er octobre 1941, Henri Labit quitte la France après le parachutage de Fassin, Moulin (CL) et Montjaret dans la nuit du 1e au 2 janvier 1942. Le 6 janvier 1942, il est embarqué avec Forman sur le bateau de pêche Marie-Madeleine depuis l’ile Guenioc, dans le Finistère. L’opération Overcloud III, annoncée par un message de la BBC (« Aide-toi et le ciel t’aidera »), comprend cinq autres passagers : le lieutenant Henri Chenal, Joseph Scheinmann, alias André Peulevey, de l’Intelligence Service, Paul Simon du réseau Valmy, et enfin les frères Joël et Yves Le Tac.

À Londres, Henri Labit est promu lieutenant le 19 janvier 1942.
Comme les frères Le Tac, Fred Scamaronim, Stanislas Mangin et bien sûr Jean Forman, Henri Labit fait partie de la vague des retours de France du 1e trimestre 1942, dont les rapports sur les préoccupations politiques des mouvements de résistance en France conduisent le SR gaulliste à s’interroger sur leurs capacités en matière d’action militaire. Tous considèrent que la volonté des mouvements en France de recruter massivement est un risque majeur en matière de sécurité, incompatible avec les besoins de la clandestinité.

« Ce que nous devons rechercher, c’est une sélection de gens qui ne lâcheront jamais et qui tiendront jusqu’au bout. D’ailleurs, la masse étant assez plastique, se modèlera sur cette élite. Pour l’action, nous n’avons pas besoin d’un grand nombre d’hommes, mais seulement d’une sélection s’appuyant sur une population plus que sympathisante. C’est pourquoi nous devons uniquement nous borner à la recherche de cadres qui, le moment venu, conduiront la masse dont le courage aura été réveillé par la propagande ».

Henri Labit, comme Jean Forman, n’apparaît pas non plus à tous comme un exemple parfait de sécurité : en janvier 1942, Teigen (CL), qui sait que Forman a perdu un courrier, dénonce le comportement des deux hommes : « Ils [Forman et Labit] commettaient toutes les imprudences possibles. On les voyait, notamment à Toulouse, toujours dans les mêmes endroits, y faisant une noce crapuleuse et y dépensant des sommes considérables qui devaient nécessairement attirer l’attention sur eux ».

Parallèlement aux débats de fonds qui agitent les services de renseignement de la France libre au début de 1942, Henri Labit intervient comme instructeur au centre français de préparation d’agents contrôlé par le SR FFL, à Inchmery près d’Exbury station 36 ou STS 38), dans le sud de l’Angleterre ; son expérience, malgré son jeune âge, est très précieuse dans ces premières années de la guerre.

• Mission Bass, mai 1942.
Homme de terrain avant tout, Henri Labit se porte volontaire pour une deuxième mission en mai 1942. Les objectifs qui lui sont assignés avec la mission Bass sont de renouer avec ses connaissances, dont son parrain, dans le Sud-Ouest, et en particulier à Bordeaux. Il doit également tenter de reprendre le contact avec l’équipe Barter, composée du lieutenant Roger Donnadieu, alias Din/Barter, et du radio Étienne Michel Laurent, alias Din W. Parachutés le 10 septembre 1941 au sud de Mimizan dans les Landes pour effectuer les reconnaissances sur l’aéroport de Bordeaux-Mérignac et se mettre en relation avec Forman et Labit, ils n’ont pas pu établir le contact, suite à la destruction de leur radio lors de son atterrissage au sol. C’est à Henri Labit de décider de leur retour en France ou de reprendre certains membres de la mission avec lui. En tant qu’opérateur radio, il doit pouvoir démarrer sa mission de manière autonome.
« Bass, en tant qu’opérateur radio, partira seul sur le terrain. Le mois suivant, dès que sa réception peut être organisée, un opérateur radio se tiendra prêt à partir pour rejoindre Bass ».

Le but final de la mission Bass est de mettre en place l’état-major d’un nouveau réseau de renseignement, coordonnant des branches assez autonomes dans la région. Cet état-major doit compter une section renseignement, une section sabotage, une section « coup de main », et une section commando (raiding party). La section sabotage doit seulement identifier les agents pouvant être utilisés lorsque le moment clé viendra et commencer leur formation initiale. Les deux dernières sections, respectivement inspirées de l’opération de Pessac et de celle de Bruneval, doivent opérer grâce à des équipes envoyées d’Angleterre pour des objectifs précis et y retournant après réalisation de leur mission.

Avant de partir, Labit rédige, selon l’usage, son testament :
« En cas de perte irréparable pour la patrie, c’est-à-dire ma pomme, envoyer toutes mes affaires et mon compte en banque à ma famille ».

Dans la nuit du 2 au 3 mai 1942, il est parachuté par un Whitley du RAF 138 Squadron dans la région de Sores, dans les Landes, seul et de nouveau en blind. Dès son arrivée, Henri Labit prend le train pour rejoindre Bordeaux, mais il est arrêté à Langon, au passage de la ligne de démarcation. Lors des contrôles et des fouilles habi-tuelles, les douaniers allemands le somment d’ouvrir sa valise, qui dissimule un poste émetteur radio. En cherchant sa carte d’identité pour la présenter, une deuxième tombe de sa poche !8. Il sort alors le Colt 32 qui sera retrouvé sur lui après sa mort, ouvre le feu sur les soldats allemands qui l’entourent, tuent trois d’entre eux, et, accidentellement un cheminot présent sur place, et tente de prendre la fuite.

Conditions de décès

Se voyant pris, il se réfugie dans un jardin voisin, brûle ses papiers d’identité et se donne la mort en absorbant sa pastille de cyanure.
« En examinant ses vêtements, on ne put trouver aucun papier permettant de déceler son identité, mais seulement une boussole d’origine anglaise. Sur son complet, il y avait une marque d’une maison canadienne ».

Le commissaire spécial chargé de la surveillance de la ligne de démarcation de La Réole se présente aux autorités allemandes pour proposer son aide lors de l’enquête, y compris en zone libre, et rend compte à Vichy de la mort « d’un individu encore non identifié » en gare de Langon :
« Cet homme [fut] trouvé porteur d’une somme de 300 000 francs, d’une carte détaillée de la région au 50 millième, d’un poste émetteur et de nombreux titres d’identité en blanc, ainsi que de plusieurs cartes d’alimentation. La photographie représentait un homme de 25 à 28 ans, visage plein, cheveux abondants, petite moustache en accent circonflexe. Je suis tenté pour ma part de rapprocher la présence de cet individu dans la région avec le raid d’avions inconnus qui se serait effectué dans la nuit de jeudi 30 avril au vendredi 1er mai. D’après les informations parvenues à ma connaissance, des individus auraient été parachutés dans la région des Landes et les Allemands auraient ramassé des parachutes dans ce secteur ».

Des papiers au nom de Gérard Laure, et une deuxième carte d’identité au nom de Philippe Alleaume sont trouvés sur lui, Alleaume étant, semble-t-il, l’identité réelle d’un volontaire FNFL que Labit a rencontré. Tous les éléments de sa tenue semblent confirmer que « l’origine canadienne de l’individu ne fait plus aucun doute, elle serait même un peu trop démontrée par les divers éléments recueillis sur son linge de corps ».

Henri Labit est inhumé dans le carré militaire de l’hôpital de Villenave d’Ornon (Gironde), puis transféré en novembre 1944 au cimetière de la Chartreuse, à Bordeaux. Son décès est prononcé par jugement du tribunal de Bazas (Gironde) le 7 novembre 1944.
Il est nommé commandant à titre posthume à compter du 1er mai 1942.

Publiée le , par Vigie, mise à jour

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Portfolio

Stèle Labit Henri
Stèle de Langon
DC Labit Henri
Courrier Annonce arrestation et décès de Henri Labit
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Sources - Liens

Service historique de la Défense, GR 28P 4 31524
GR 16P 295477
Emile Labit © Collection Fondation de la France Libre/Fonds Noël Créau